Une histoire dans l’Histoire

Ils et elles ont vécu les évolutions de votre commune … découvrez leur histoire !

Projet photo réalisé pour le CCAS de la commune de Le Gua en Isère en octobre 2023. Je suis allée à la rencontre de douze habitants de plus de 80 ans des trois hameaux pour recueillir leur témoignage sur la vie d’hier et d’aujourd’hui à travers leur histoire.

Passeur de mémoire #8

Femme centenaire assisse dans son canapé. Un joli rai de lumière vient l'éclairer, elle regarde vers la lumière.

Chère Michelle,

En 1975, vous arrivez à Prélenfrey et vous y trouvez un village « plein de narcisses blancs et plein d’oiseaux : des roitelets, des pinsons, des fauvettes, des queue-rouges…tout plein autour de moi ». Vous êtes une fille de la ville mais vous avez toujours aimé la nature et la montagne. Vous voilà donc arrivée dans un petit paradis.

Les gens ont encore une ou deux vaches et vous allez chercher votre pot de lait chez l’un, chez l’autre. Le boulanger monte le pain chez Monsieur Guidi où se trouve le dépôt.

Peu de temps après votre arrivée, vous prenez votre retraite et profitez avec votre mari, ancien garde forestier, de la montagne. « Je connais tous les chemins ». Vous ne comptez pas le nombre de kilomètres que vous marchez, à la recherche notamment de bornes perdues ou oubliées, passe-temps favori de votre époux. Quand vient la saison, c’est aux champignons que vous allez, « des morilles et des chanterelles surtout par ici ». Avec le Club Alpin Français du Gua, vous participez à de belles virées, « c’était très vivant, est-ce qu’il existe encore ? »

Juste avant l’automne, il vous arrive d’aller vendanger aux Saillants où on peut aussi trouver un bouilleur de cru et se procurer de l’eau de vie.

Lorsque la neige arrive, vous chaussez les skis car dans le village, on ne rigole pas avec le sport de glisse, surtout avec le ski de fond. Il y a même des concours de ski toutes classes d’âge confondues pour lesquelles on s’inscrit au niveau de la poste actuelle.

La fête du boudin, après avoir tué le cochon en décembre, est un temps fort du village, tout comme l’est la vogue du 1er dimanche d’août qui, à l’époque, marque la fin de la moisson. A cette occasion, on organise dans le grand champ des courses en sac et toutes sortes d’animations… Vous tenez d’ailleurs un stand avec vos créations en macramé et peinture sur soie réalisées avec d’autres femmes du village.

Depuis, les traditions et les pratiques agricoles ont changé. Sans être « plus écologiste que les autres », la conséquence pour vous c’est : « plus de cui-cui, plus d’oiseaux, plus de fleurs, plus d’abeille ». Vous comprenez parfaitement le changement et dites : « on ne peut pas aller contre », ni même « être contre ». Mais à l’aube de vos cent ans, ça vous est resté.

« Cette vie de nature qui n’existe plus », vous en êtes encore scandalisée. Vous vous demandez un peu pourquoi je suis là, à quoi je sers et pourquoi ce témoignage mais en tout cas, ce sujet, vous tenez à ce que j’en parle.

Le lait c’est à Intermarché que vous allez le chercher maintenant. Plus de commerce ambulant non plus. A une période où peu de femmes conduisaient, l’automobile a toujours été pour vous un formidable moyen d’émancipation, de liberté et jusqu’à hier, de mobilité.

Même si vous passez quelques journées sans voir personne, vous vous dites chanceuse d’être si bien entourée ici. Je suis très touchée de notre rencontre et de la perspective qu’offre votre expérience de vie « formidable et aventureuse » de presque un siècle.

Un rayon de soleil vient percer un instant la grisaille de la journée. Clic-clac, je fais une photo. Je veux croire que, malgré la brume actuelle, les oiseaux et tapis blancs de narcisses reviendront fleurir le Prélenfrey de votre cœur.

 

Mathilde

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Couple de nonagénaire souriant debout dans leur cuisine.

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