Une histoire dans l’Histoire

Ils et elles ont vécu les évolutions de votre commune … découvrez leur histoire !

Projet photo réalisé pour le CCAS de la commune de Le Gua en Isère en octobre 2023. Je suis allée à la rencontre de douze habitants de plus de 80 ans des trois hameaux pour recueillir leur témoignage sur la vie d’hier et d’aujourd’hui à travers leur histoire.

Dame aux cheveux blancs portant une marinière. Elle est debout et elle croise les bras à l'intérieur de chez elle.

Chère Monique, 

Née en 1938 à Prélenfrey de parents italiens, vous avez connu la lampe carbure les premières années de votre vie avant d’avoir « deux ampoules et une prise de courant ». Si l’école n’était pas votre tasse de thé au départ, une « super institutrice » vous y a donné goût et permis d’aller jusqu’au certificat. Aujourd’hui vous habitez l’ancienne « cure du curé ». N’est-ce pas un comble pour vous qui vous exclamez à propos du catéchisme : « ah c’était pas triste… » ?!

Pas de pantalons pour les filles à l’époque. Même quand il neigeait, votre tenue à l’école se résume aux « robes, chaussettes et galoches ». C’est précisément dans cette cour d’école que vous vous trouvez le jour où les camions allemands débarquent dans Prélenfrey. Vous vous rappelez les flammes des maisons incendiées un peu plus haut ; la seconde famille italienne du village qui héberge un maquis et dont le mari est dénoncé.

Sous l’occupation, vous ne souffrez pas trop de la faim car il y a plusieurs fermes où on trouve pain, beurre, lait en plus des poules, des lapins… « Y a beaucoup de choses » sur la guerre qui vous reviennent à l’esprit mais vous n’en direz pas plus. Ou simplement que ce n’est que dans les années 90 que vous avez appris pour les enfants juifs cachés dans la maison Guidi via la plaque commémorative qui a été posée. « Tu sais, personne n’en parlait pas de ça ».

Vous apprenez la cuisine sur le tas, notamment au préventorium où vous avez passé « trois années formidables ». « Avec les copines du Préven, on allait se traîner au Belvédère », un de vos endroits préférés. Si bien que « ce que j’aimerais, c’est qu’on prenne mes cendres et qu’on les jette au Belvédère ». C’est aussi l’époque des bals : « on allait danser partout, on se débrouillait pour y aller. Une fois pour le bal du Muguet de Varces, on était à 12 dans une voiture ! On revenait à pied la nuit, on arrivait à 4h du matin à Prélenfrey ».

Alors que votre papa a participé à la construction « en pierres de taille » de l’hôtel de la Martinière, c’est l’auberge restaurant de la Sapinière que vous tenez pendant presque 20 ans à partir de 1969. Un travail 7 jours sur 7 avec votre mère, votre mari et une employée pour un total de 18 chambres. Les clients y viennent en vacances pour faire du ski. En janvier et mars, ce sont les classes de neiges pour des enfants de région parisienne. « On adorait ça. Quand ils repartaient, nous, on prenait la voiture pour les accompagner et leur dire au revoir dans le train à Grenoble. C’était formidable ». Derrière la Sapinière, vous installez un « fil neige » pour faire du ski et plusieurs habitants deviennent moniteurs de ski. Les enfants étaient aussi emmenés en estafette au col de l’Alerzier.

A la carte, vous mettez toujours les plats que vous, vous avez envie de cuisiner. Que ce soit pour les menus à la carte ou les « linges » – c’est-à-dire les buffets. Vous me montrez les menus de l’époque « T’as vu tout c’que tu mangeais pour 30 francs ! ».

A une époque où les femmes conduisent encore peu, votre sœur vous pousse à passer le permis de conduire. « Elle a bien fait car ça m’a bien servi et je m’en sers encore ! » Notamment pour aller faire vos courses aujourd’hui. Avant il y avait tout ce qu’il fallait ici : plusieurs auberges-restaurants, une maison de repos, un bureau de tabac, l’épicier qui montait… mais tout a fermé, tout a changé. « Avant tu trouvais des rosées des prés dans le champ, maintenant y en a plus et y vont faire six nouvelles maisons dans le champ ». En plus des nouveaux arrivants, beaucoup des maisons d’hier sont devenues des résidences secondaires. « Avant, on allait chez les uns les autres. Là on se croise dans la rue, c’est à peine si on se dit bonjour. On ne voit plus se donner des coups de mains. »

Heureusement, il y a encore Michelle, la doyenne du village, avec qui vous partagez de belles parties de belote. Vous échangez des livres aussi. Vous gardez un œil vigilant sur la maison Guidi et n’hésitez pas à aller refermer les fenêtres quand elles s’ouvrent avec le vent.

Monique, avant de vous rencontrer, on m’avait prévenu : « Monique, on la voit arriver ». Et « oh po-po-po » comme vous dites, au terme d’une vie pas toujours facile, c’est exact : vous êtes un vrai p’tit bout de femme, entière, courageuse et au franc-parler qui ne doit pas plaire à tout le monde. Inspirant.

Mathilde

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Couple de nonagénaire souriant debout dans leur cuisine.

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