Une histoire dans l’Histoire

Ils et elles ont vécu les évolutions de votre commune … découvrez leur histoire !

Projet photo réalisé pour le CCAS de la commune de Le Gua en Isère en octobre 2023. Je suis allée à la rencontre de douze habitants de plus de 80 ans des trois hameaux pour recueillir leur témoignage sur la vie d’hier et d’aujourd’hui à travers leur histoire.

Couple de nonagénaire souriant debout dans leur cuisine.

Chère Mireille et cher Pierre – Pierrot pour les amis,

Quelqu’un m’a dit « ce sont les Italiens et Vicat qui ont fait Le Gua ». Vous êtes tous les deux issus de ces familles ayant traversé les montagnes pour s’installer durablement ici en travaillant à la cimenterie.

De votre enfance entre les Saillants et le Genevrey, il vous reste des souvenirs de luge à Champrond, des baignades dans la Gresse et quelques bêtises : « les filles étaient plus terribles que les garçons ! ». Il parait que les pots de fleurs avaient un peu la bougeotte…

Des images de la guerre ressurgissent parfois la nuit quand vous ne trouvez pas le sommeil. La faim au ventre, il faut aller à Monestier avec ses tickets de rationnement pour avoir un peu de farine. Au milieu des autres hommes de Prélenfrey, les Allemands font rasseoir Pierre qui a l’air bien jeune.

 

Comme la plupart des gens de cette époque, une fois le Certificat passé, vous commencez à travailler. A 14 ans, à l’âge où aujourd’hui on rentre en 3ème. Pierre, vous travaillez aux champs avant d’intégrer Vicat où vous restez 42 ans, prenant le bus pour Saint-Egrève après la fermeture de l’usine ici. Vous commencez par le bobinage et finissez votre carrière par l’électricité. Parfois, vous êtes d’astreinte et en cas de problème la nuit, on vient vous chercher. « Fallait y aller » mais pour vous « le travail, c’est la santé ».

L’année de vos vingt ans, pour les conscrits, vous faites la bringue pendant une semaine. A l’époque, vous payez plusieurs mois durant un petit quelque chose pour pouvoir participer à cette grande célébration. La nuit du 1er mai, vous chantez sous les fenêtres des maisons « ô le joli mois de mai », puis avec les œufs récoltés, on organise un grand repas festif.

Tous les deux, vous aimez danser. Il arrive que vous vous retrouviez jusqu’à neuf dans le fourgon du boulanger pour aller au bal ! Car oui, à cette époque, pas encore de vélo, de mobylette ou de voiture ; ils arriveront plus tard. Pour aller aux champignons, un de vos petits bonheurs – votre « fiafia » comme vous dites – vous partez aussi à pied, avec votre panier, arpentant les raccourcis jusqu’au col de Laffrey avant de redescendre. Belle balade !

Mireille, vous qui rêviez d’être secrétaire, vous occupez finalement plusieurs emplois. Mea culpa, je ne savais pas ce qu’était un préventorium avant de vous rencontrer. Je m’en souviendrai toujours grâce à vous ! A celui de Prélenfrey, vous faites la cuisine. Certaines collègues d’alors sont aujourd’hui encore vos amies.

Ensuite, pendant de nombreuses années, vous faites l’aller-retour entre Grenoble et les Saillants en partant à 5h30 le matin. Les enfants de la famille dont vous vous êtes occupée là-bas vous ont récemment adressé une photo. 40 ans plus tard vous êtes encore dans leur cœur.

Si Pierre est lui féru de chasse, de pêche et de « footballe », vous Mireille, vous vous évadez dans la lecture. « J’ai lu tous les livres de Vicat, tous ceux de la bibliothèque de mon patron et de la maison des vieux ! ». Vous passez aussi beaucoup de temps aux boules, passion de toujours pour Pierre. « Il a même eu une médaille » pour avoir contribué au développement du boulodrome de la commune. De votre côté Madame, vous avez participé à la création du premier club de gym de la commune à « la maison des vieux qui était avant la maison des jeunes ». Entre le travail, la construction de la maison, vos enfants, le potager et tout ce que je viens de citer… « la vie passait rudement plus vite que maintenant, on vivait bien heureux, peut-être mieux que maintenant ? »

Du fait de votre vie bien remplie et du haut de vos 93 ans, ne plus voir grand monde ou ne plus voir autant de monde qu’avant vous pèse. « On ne connait plus personne ». Vous êtes ennuyés d’être limités par des problèmes de santé. Pierre apprécie toujours de faire une petite marche aux Amieux.

En ré-écoutant notre entretien, je sens pourtant bien dans vos voix ce même dynamisme que j’avais perçu dans vos yeux rieurs et vos sourires communicatifs. Le tout empreint d’une grande simplicité et humilité.

Vous avez fêté vos 71 ans de mariage et Mireille, vous vous étonnez de « vivre si longtemps et avec ma tête ! ». Vous me disiez en avoir marre de cuisiner. Qu’avez-vous tenu à partager avec moi avant que je ne reparte ? Un délicieux gâteau fait maison…

Mathilde

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Couple de nonagénaire souriant debout dans leur cuisine.

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