Une histoire dans l’Histoire

Ils et elles ont vécu les évolutions de votre commune … découvrez leur histoire !

Projet photo réalisé pour le CCAS de la commune de Le Gua en Isère en octobre 2023. Je suis allée à la rencontre de douze habitants de plus de 80 ans des trois hameaux pour recueillir leur témoignage sur la vie d’hier et d’aujourd’hui à travers leur histoire.

Passeur de mémoire #11

Ancienne institutrice à la retraite de 80 ans. Se tient debout chez elle, les mains sur une chaise et regarde vers l'extérieur. Elle est coquette.

Chère Geneviève,

C’est votre seconde affectation d’institutrice adjointe qui vous amène au Gua en 1962. Comme le logement de fonction dans l’école des filles des Saillants n’est pas disponible à votre arrivée, vous logez deux mois au Genevrey. De ces premiers moments, vous gardez un souvenir un peu mitigé. « Toute la poussière de l’usine voisine rentrait par la fenêtre, tout le village était gris » ! Pourtant, une fois arrivée aux Saillants, vous n’en êtes plus jamais partie. Trente deux rentrées scolaires plus tard, deux générations d’élèves ont défilé : « cela permet de bien connaître les gens, on sait qui ils sont, quelle enfance ils ont eu ».

Vous me tendez le cahier de photos avec lequel vous m’avez accueillie quelques minutes plus tôt. Ce véritable trésor contient toutes les classes que vous avez eues. Ces enfants d’hier sont encore vos « p’tits », que vous avez vu grandir et l’entrain dans votre voix quand vous en parlez est toujours là.

Vous m’évoquez les familles nombreuses ouvrières au début de votre carrière. Puis vient le tour de 1968, année de « révolution » pour la France entière mais aussi pour l’école. Nous cherchons dans le dictionnaire le mot « gémination » que je ne connaissais pas et qui marque l’année 1969 : filles et garçons de CP et CE1 sont à présent ensemble à l’école. Dans votre cahier, cela correspond à la première photo couleur.

Si vous auriez aimé plus de moyens financiers pour l’entretien de l’école et les fournitures, les années 1970 sont cependant synonymes de dynamisme et d’ouverture vers l’extérieur pour vos élèves. C’est le début des séances de natation à Grenoble et des classes de mer en Bretagne. Les élèves vont aussi savoir nager grâce à l’école ! Sans oublier les séances de ski de fond. C’est bientôt la fin du certif et les élèves poursuivent à présent leur scolarité au collège. La cimenterie a fermé, les effectifs baissent et le village continue sa mutation socioprofessionnelle.

Alors que l’école ferme à Saint-Barthélemy, vous me racontez comment Prélenfrey défend sa classe unique, « la classe à tous les cours ». Le village a l’idée de proposer d’accueillir des enfants de la ville en difficulté pour atteindre un nombre suffisant d’élèves. Cela fonctionne et la classe est maintenue, aujourd’hui encore.

Avec malice et quelques frissons, vous me rappelez que les économies et la sobriété énergétique ne datent pas d’aujourd’hui. Le garde champêtre venait couper le poêle à mazout après la classe alors que vous y étiez encore, occupée à préparer vos prochains cours. Quelques degrés supplémentaires n’auraient pas été de refus !

Après avoir passé onze ans dans le logement au-dessus de votre classe, vous emménagez dans la maison que vous avez passée plusieurs années à construire sur le plateau de la Bacharde. Pendant longtemps vous avez été la dernière maison du village. Depuis, cette limite a bien été repoussée.

Ce que les gens d’ici savent peut-être un peu moins, c’est que vous avez eu deux métiers. Vous étiez aussi le bras droit de votre mari, peintre tapissier. Après les cours et pendant les vacances, vous vous occupiez aussi bien des devis, des factures, des réceptions et commandes des représentants, des matériaux… Cette vie de bras droit vous a permis de côtoyer de près le monde de l’artisanat et du bâtiment sur les Saillants et alentours, tout en développant chez vous un grand respect du travail manuel. Pour vous aussi, la vie aura été synonyme de beaucoup de travail.

Après notre séance photo, vous me confiez avoir mis un peu de noir sur vos paupières inférieures « parce qu’il faut quand même que j’ai l’air éveillée ». Je peux vous assurer que je vous ai trouvée très vive et pétillante. Intarissable sur l’école et sur l’éducation de votre temps tout comme sur celui d’avant. La soif d’apprendre pour vous qui dites « ne jamais avoir quitté l’école » est intacte. Je vous souhaite plein de bons moments à l’université interâges de Grenoble où vous allez régulièrement en bus. Vous m’avez surprise en concluant notre rencontre par quelques phrases dans la langue de Shakespeare. Qui sait, peut-être allez vous trouver quelqu’un ici au Gua pour pratiquer l’anglais ?!

 Mathilde

Découvrez d’autres passeurs de mémoire…

Couple de nonagénaire souriant debout dans leur cuisine.

Les photos de demain

Travaillons ensemble

Une vague idée de projet, une carte blanche ou une demande précise... Le mieux est d'en discuter !